Introduction...
Introduction
La responsabilité médicale est un aspect particulier de la responsabilité civile. En ce sens, elle poursuit la même mission d’indemnisation. Elle se détache toutefois du régime classique de la responsabilité civile en s’adaptant à un secteur très particulier et sensible qui est celui de la santé. Cette responsabilité particulière permet d’indemniser les victimes de dommages causés par des professionnels de santé, tels que les médecins ou plus généralement les soignants. La responsabilité civile médicale sera alors envisagée tout au long de cette étude dans son sens le plus général, c’est à dire de manière à englober toute responsabilité qui a pour origine un dommage causé en matière médicale. Il pourra alors s’agir de la responsabilité des professionnels de santé, comme de celle des fabricants, producteurs et concepteurs d’un produit de santé [1].
Quant à l'Intelligence Artificielle elle peut être définie comme des systèmes informatiques qui exécutent des tâches nécessitant normalement une intelligence humaine. Nous avons recadré l'IA comme une « intelligence augmentée », définie comme des algorithmes informatiques intelligents conçus pour améliorer les capacités de professionnels hautement qualifiés [1].
La notion d’IA a été utilisée pour la première fois par John McCarthy, lors d’une conférence à l’université américaine de Darmouth en 1956. L’intérêt des médecins pour l’IA est apparu dans les années 1960-1970 avec l’utilisation de systèmes experts d’aide au diagnostic. Le potentiel de l’IA s’est ensuite peu à peu estompé, surtout dans le domaine de la santé [1].
Néanmoins, durant la dernière décennie, des progrès considérables ont été réalisés en termes de capacité de calcul et de stockage informatique. Les premières découvertes sur l’apprentissage profond ont alors vu le jour, ce qui a, par la même occasion, permis une évolution fulgurante de l’IA en santé [1].
Aujourd’hui, l’IA en santé est présente dans plusieurs spécialités. Elle permet par exemple, d’apporter une aide au médecin dans le diagnostic de maladies chroniques, telles que le cancer. Elle est aussi très performante pour la lecture d’imageries médicales en ce qu’elle permet au médecin de détecter des anomalies non visibles ou très difficilement visibles, à l’œil nu. Cet éclairage apporté grâce à l’IA aux médecins, leur est très bénéfique, alors même que l’IA n’est actuellement utilisée en matière médicale que sous sa forme la plus faible. L’avènement des IA médicales fortes constituerait donc une avancée spectaculaire pour la médecine [1].
Si cette voie est progressivement envisagée par les scientifiques et informaticiens, elle pose néanmoins énormément de questions juridiques, notamment au sujet de la responsabilité médicale.
Notre travail consistera à faire une approche conceptuelle du terme clé (IA) dans le domaine de la santé dans une première partie, ensuite celui de la responsabilité médicale dans une deuxième partie et enfin dans une troisième partie nous allons faire une discussion sur le lien entre la responsabilité médicale et l’utilisation de l’IA.
I. Intelligence artificielle
I.1 Approche Conceptuelle
L'intelligence artificielle est une branche de l'informatique capable d'analyser des données médicales complexes. Leur potentiel à exploiter une relation significative avec un ensemble de données peut être utilisé dans le diagnostic, le traitement et la prédiction des résultats dans de nombreux scénarios cliniques.[2]
I.2 Historique
La recherche menée dans les années 1960 et 1970 a produit le premier programme de résolution de problèmes ou système expert, aussi appelé Dendral. Alors qu'il a été conçu pour des applications dans la chimie organique, celui-ci a jeté les bases de son successeur immédiat, le système MYCIN, considéré comme l'un des plus importants usages pionniers de l'intelligence artificielle en médecine. MYCIN et d'autres systèmes comme INTERNIST-1 et CASNET n'ont cependant pas intégré le quotidien des professionnels.[3]
Les années 1980 et 1990 ont entraîné la prolifération du micro-ordinateur et d nouveaux niveaux de connectivité réseau. Pendant ce temps, les chercheurs et les développeurs ont reconnu le fait que les systèmes d'intelligence artificielles dans le soin doivent être conçues pour pallier l'absence de données parfaites et appuyer l'expertise des médecins. Les approches impliquant la théorie de l'ensemble flou, les réseaux Bayésiens et les réseaux de neurones artificiels ont été appliquées aux systèmes informatiques intelligents dans la santé.
I.3 Quelques applications de l’IA dans le domaine de la santé
Récemment, les technologies soutenues par l’IA ont été largement utilisées dans les établissements de santé pour améliorer la qualité des services de soins et l’efficacité des ressources médicales[4,5]. L’IA englobant l’apprentissage automatique, le traitement du langage naturel et les technologies basées sur l’IA offrent de nombreuses opportunités d’innovation dans le secteur de la santé à forte intensité de connaissance [2,6]. Des dizaines de startups, ainsi que des sociétés de dispositifs d’image existantes qui ont participé à la conférence de la Radiological Society of North America (RSNA) tenue à Chicago en décembre 2018, ont fait des présentations sur leurs initiatives d’IA qui soutiennent un diagnostic précis et fiable et un traitement approprié des patients en fonction des données issues des examens cliniques [7].
En outre, l'IA a attiré l'attention des chercheurs, des médecins, des développeurs de technologies et de programmes, et des consommateurs dans divers domaines en termes de potentiel d'innovations transformatrices dans le traitement des maladies humaines et de la santé publique [4,6,8,9]. Selon Accenture [10], les hôpitaux investiront 6,6 milliards de dollars par an dans les technologies liées à l'IA d'ici 2021. Safavi et Kalis [10] (p. 1) estiment que "les applications de l'IA pourraient créer jusqu'à 150 milliards de dollars d'économies annuelles pour les soins de santé aux États-Unis d'ici 2026".
II. Responsabilité médicale
II.1 La notion de responsabilité
La responsabilité c’est une obligation faite à une personne de répondre de ses actes du fait du rôle, des charges qu'elle doit assumer et d'en supporter toutes les conséquences.[11]
Lorsque
l’on parle de responsabilité, il est important de savoir quelle
responsabilité est concernée. Il peut s’agir d’une responsabilité source de
sanction (telle la
responsabilité pénale ou la responsabilité disciplinaire) ou d’une responsabilité
source
d’indemnisation (responsabilité civile ou administrative). La première
consiste à sanctionner
des comportements que la société réprouve; la seconde consiste à faire
indemniser la victime
d'un dommage causé par un tiers.[12]
Aujourd’hui, la responsabilité « sanction » et la responsabilité «
indemnisation »
sont deux notions bien
distinctes.
II.2 Définition de la responsabilité médicale
La responsabilité médicale est la responsabilité encourue par un professionnel du soin ou un établissement à raison des dommages causées par des actes de prévention, de diagnostic ou de soin.
Elle est un aspect particulier de la responsabilité civile. En ce sens, elle poursuit la même mission d’indemnisation. Elle se détache toutefois du régime classique de la responsabilité civile en s’adaptant à un secteur très particulier et sensible qui est celui de la santé. Cette responsabilité particulière permet d’indemniser les victimes de dommages causés par des professionnels de santé, tels que les médecins ou plus généralement les soignants. La responsabilité civile médicale sera alors envisagée tout au long de cette étude dans son sens le plus général, c’est à dire de manière à englober toute responsabilité qui a pour origine un dommage causé en matière médicale. Il pourra alors s’agir de la responsabilité des professionnels de santé, comme de celle des fabricants, producteurs et concepteurs d’un produit de santé [13].
II.3 Brefs historiques de la responsabilité médicale
La
responsabilité du médecin n’est pas une notion nouvelle. Les Babyloniens
avaient déjà un
code « le code d’Hammourabi » qui comportait 282 dispositions
parmi lesquelles la règle 218
« si un médecin incisant un abcès perd son malade ou l’œil de
son malade, on lui coupera la
main ». Dans les siècles qui suivirent, se succédèrent des
périodes d’immunité totale puis des
retours à une recherche de responsabilité des médecins.[12]
II.4 Les fautes pouvant entraîner la responsabilité médicale du médecin ou de l’établissement de santé.
II.4.1 La responsabilité médicale pour faute technique.
Les fautes techniques résultent d’une méconnaissance des règles de l’art et s’apprécient par comparaison entre ce qui a été fait et ce qui aurait dû être fait. Elles tiennent essentiellement à une inattention, une imprudence ou encore une négligence lors du traitement, de sa mise en œuvre ou de la surveillance du patient [13].
L’erreur de diagnostic du médecin peut aussi constituer une faute, par exemple dans une situation où le manque de discernement du professionnel a fait perdre au malade la chance d’obtenir une amélioration de son état de santé ou d’échapper à une infirmité. L’erreur de diagnostic ne constitue pas à elle seule une faute mais elle peut être reprochée au professionnel de santé qui n’a pas mis en œuvre les moyens nécessaires ni fait preuve d’une diligence suffisante [13].
II.4.2 La responsabilité médicale pour non-respect du devoir d’humanisme médical
La faute contre l’humanisme est la mauvaise appréciation de la relation soignant-patient en vertu des règles déontologiques de la profession. Dans la faute contre l’humanisme, il peut s’agir d’un acte médical pratiqué sans le consentement du patient.
Elle correspond à la mauvaise appréciation de la relation soignant-patient, en vertu des règles déontologiques de la profession. Il s'agit de la violation de l'obligation du recueil du consentement libre et éclairé du patient. Avant toute intervention médicale, le médecin doit recueillir l'accord du patient. Cela suppose que ce dernier ait été éclairé sur : ses conditions de santé ; sur l'acte médical proposé ; sur l'aléa thérapeutique et les conséquences généralement admises et constatées pour le type d'intervention projeté [13].
III. Intelligence artificielle et responsabilité médicale
L’IA peut être subdivisée en deux grandes familles : l’IA mimétique et l’IA autonome. L’IA mimétique cherche à imiter le médecin en tandis que l’IA autonome est dotée de cette capacite d’apprentissage [14]. Nous allons donc examiner la responsabilité médicale selon ces deux aspects respectifs.
La décision médicale prise par un médecin ou un professionnel de santé incombe la responsabilité de ce dernier. Cette responsabilité est appuyée par plusieurs textes dont le code de déontologie médical qui stipule à son article 41 que « la pratique de la médecine/chirurgie dentaire est personnelle ; chaque praticien est responsable de ses décisions et de ses actes » [15]. De même dans le code civil burkinabè de 1804 dans ses article 1382 et 1383, il est mentionné que : « tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer » et « chacun est responsable du dommage qu’il a posé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence » [16]. Le médecin, en agissant sur des humains et étant libre dans ces décisions est donc responsable de ce qu’il fait et de ce qu’il décide de faire.
III.1 L’utilisation de IA mimétique et Responsabilité médicale
Dans l’usage de l’IA mimétique, un professionnel de la santé est toujours présent pour effectuer l’acte médical ou le superviser [14]. Le médecin utilisant IA mimétique dans sa pratique médicale est supposé l’utiliser librement, volontairement et avec toutes les aptitudes nécessaires. En fait, on instaure une collaboration entre l'humain et la machine qui, avec une certaine intelligence, va pouvoir faire certaines tâches. Vu sous cet angle, le médecin utilisant une IA mimétique pour les prises de décisions médicales est pleinement responsable des résultats issue l’IA que ceux-ci soient bons ou dommageables. Le médecin devrait donc répondre en cas de dommages provoqués par l’utilisation d’une IA mimétique.
III.2 L’utilisation de IA autonome et Responsabilité médicale
En revanche, dans le cadre de l’IA autonome, la machine effectue son propre raisonnement, sans contrôle humain [14]. Dans cette situation, l’IA agit en fonction de son apprentissage à travers des données massives et n’a pas besoin de la présence d’un professionnel de santé pour proposer une décision ou une conclusion à l’usager. En cas de résultats erronés, ne serait-il pas illogique ou injuste d’attribuer une responsabilité a un professionnel de la santé ? Étant donné que la machine n’est pas une personne, ne serait-il pas également absurde d’attribuer cette responsabilité a une machine d’IA autonome ?
Joël Colloc, professeur à l’Institut Universitaire de Technologie (IUT) du Havre et à l’Institut Supérieur d’Études Logistiques (ISEL) apporte une réponse a ces questions. Selon lui, sur le plan juridique, c’est le constructeur qui devra porter la responsabilité civile pour ses machines en de d’erreurs ou décisions erronées [14].
Conclusion
En synthèse, la responsabilité médicale dans l’utilisation de l’IA possède deux facettes distinctes, l’une engageant entièrement la responsabilité du médecin s’il supervise ou contrôle les décisions et ses actes issus de l’IA (c’est le cas de l’IA mimétique). L’autre facette concerne l’IA autonome ou il serait injuste d’attribuer une responsabilité a un médecin mais plutôt aux concepteurs car dans ce cas les décisions n’émanent pas d’un médecin mais plutôt d’une IA autonome développée à partir d’un apprentissage profond (Deep learning) a traves des données massives disponibles et accessibles.
Des textes juridiques devraient donc encadrer la conception et l’utilisation des technologies de I’IA dans le domaine médical afin de rassurer le professionnel de santé et de protéger le patient. Les médecins et les autres professionnels de santé devraient donc être impérativement formés sur l'utilisation de l'IA mimétique puisqu'ils sont responsables des actions des machines comme le recommande le Parlement Européen dans sa résolution sur les recommandations des règles de droit civil sur de robotique adoptée le 16 février 2016 [17]. En plus les professionnels de santé ont besoin d’une IA fiable et validée. La conception de ces technologies de l’IA dans le domaine médicale devrait donc être multidisciplinaire incluant les informaticiens, les médecins, les juristes, les sociologues, des anthropologues, … afin de mettre en place des IA fiables et rassurante. Le praticien doit également connaitre les différentes responsabilités auxquelles il répond, pour mieux se protéger [14].
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