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I. GENERALITES
L’intelligence artificielle (IA) est une technologie visant à réaliser par l’informatique des tâches cognitives traditionnellement effectuées ...
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I. GENERALITES
L’intelligence artificielle (IA) est une technologie visant à réaliser par l’informatique des tâches cognitives traditionnellement effectuées par l’humain. Elle peut aussi être définie comme une discipline scientifique déjà ancienne, dont les fondements remontent aux débuts de l’informatique, dans les années 1940 et 1950, avec de nombreuses méthodes différentes, dont la finalité est la reproduction de fonctions cognitives par l’informatique. L’appellation d’intelligence artificielle elle-même a été introduite en 1956 [1]. Elle repose bien souvent sur un mécanisme d’apprentissage, où l’accumulation de données permet l’amélioration continuelle des dispositifs. L'IA change progressivement la pratique médicale. Avec les progrès récents de l'acquisition de données numérisées, de l'apprentissage automatique et de l'infrastructure informatique, les applications de l’IA se développent dans des domaines qui étaient auparavant considérés comme la seule compétence des experts humains. L'IA offre des opportunités et des défis sans précédent pour l'humanité. Si l'IA peut être positionnée et exploitée correctement, elle peut accélérer rapidement les progrès vers la réalisation des objectifs de développement durable (ODD), assurer une vie saine et promouvoir le bien-être de tous à tout âge. L’atteinte de cet objectif pourrait avoir un impact transformateur sur la santé mondiale. L’intelligence artificielle est en train de révolutionner les prestations des soins de santé ce qui pourrait réellement bénéficier aux patients et les consommateurs. Les consommateurs ont besoin de l'IA même s’il est difficile d'imaginer les types d'applications d'IA qui auraient un sens et un impact durable sur la vie quotidienne des individus [2]. Cependant, l’intelligence artificielle a des enjeux médicaux, éthiques, juridiques et techniques. Elle rencontre des freins culturels, sociaux, des freins liés à l’accès aux données, à la qualité des données et à la prise en charge des patients. Dans un premier temps, nous nous intéresserons aux enjeux de l’intelligence artificielle et dans un second temps aux freins.
II. ENJEUX ET FREINS DE L’IAS
A. Enjeux
a) Enjeux médicaux
la prise en charge des patients : la disponibilité des nombreuses données permettra à l’intelligence artificielle de caractériser plus rapidement les maladies rares, grâce à une analyse plus rapide et plus efficace des images (scanners, échographies) et de construire des systèmes performants d'aide au diagnostic.
dans le domaine de la santé publique : l'IA participera à la personnalisation des traitements, en particulier dans le cas de certains cancers, de mieux en mieux caractérisés en fonction des données génétiques, car l'enjeu est d'établir des choix thérapeutiques de plus en plus individualisés. Concernant la recherche clinique, l’utilisation des données permettra de tester de nombreuses hypothèses médicales[3].
dans le domaine pharmaceutique : une maitrise rapide des agents pathogènes et une augmentation de la production des médicaments. L’utilisation du big data et le Machine Learning ont permet de mieux exploiter les caractéristiques du coronavirus et de mettre en circulation un vaccin dans un délais assez court. Aussi l’IA permet la réduction des erreurs liées au choix des molécules, les contre-indications renforçant ainsi la qualité des soins et la sécurité des patients [4].
b) Enjeux éthiques
L’aspect éthique concerne le caractère personnel de la donnée ou enjeu de propriété et la fausse et dangereuse patrimonialisation des données personnelles.
Données personnelles de santé définie
Selon le règlement général sur la protection des données personnelles (RGPD) du 27 avril 2016, appliqué depuis le 25 mai 2018, le premier texte règlementaire définissant les données personnelles de santé comme étant les données à caractère personnel relatives à la santé physique ou mentale d’une personne physique. Ceci inclut la prestation des services de soins de santé qui révèlent des informations sur l’état de santé de la personne. Les données personnelles de santé sont à distinguer des données génétiques qui disposent d’un régime différent sur certains aspects, voire plus contraignant[5]. Le RGPD, dont les dispositions ont été transposées dans la nouvelle loi informatique et libertés du 20 juin 2018, permet de renforcer les droits et libertés des personnes notamment par la consécration de nombreux droits : droit d’accès, droit de rectification, droit à l’effacement, droit d’opposition, droit à la limitation du traitement, droit à la portabilité et bien d’autres. Ces droits ont été établis dans le but de permettre à toute personne physique de disposer des armes nécessaires à la maitrise de ses données personnelles.
Fausse et dangereuse patrimonialisation des données personnelles
Le caractère personnel de la donnée défini par le RGPD lui confère une philosophie personnaliste. En effet, la notion de propriété comprend trois éléments : L’usus, le fructus et l’abusus. Concernant les données personnelles, la personne physique dispose uniquement de l’usus c’est à dire le droit de pouvoir user librement de ses données personnelles. Ainsi, la personne ne peut pas en abuser ou en récolter les fruits liés à leur usage ou exploitation. Ces trois éléments n’étant pas réunis, nous ne pouvons affirmer qu’il existe un droit de propriété, au sens strict du terme. La personne n’a donc pas le droit de vendre ses données personnelles. Les données personnelles ne peuvent être monnayables par conséquent elles ne sont en aucun cas des marchandises [6].
c) Enjeux juridiques
Avec l’entrée en scène de l’informatique dans le domaine médical, nous assistons maintenant à la création d’une multitude d’applications médicales qui produisent de plus en plus de nombreuses données personnelles. En plus, les dossiers cliniques version papier sont en train d’être abandonnés au profit de dossiers cliniques électroniques. Ces importantes données produites sont en train d’être utilisées par les téléphonies mobiles et les sites web à but lucratif, violant ainsi les droits et libertés des personnes. C’est pourquoi il y’a nécessité d’encadrer la gestion et l’utilisation des données produites par les lois dans le but de protéger les droits et les libertés des personnes[7]. Néanmoins, ces lois favorisent l’utilisation des données personnelles de santé à des fins de recherche scientifique. Ces données utilisées sont traitées par deux voies possibles :
l’anonymisation : C’est une opération qui est irréversible, le traitement des données anonymisées est le cas le plus simple. Ce traitement des données n’implique pas de données personnelles identifiables de santé raison pour laquelle la réglementation sur les données personnelles ne s’applique pas. Le RGPD et la loi informatique et libertés ne seront pas opposables à ces types d’opérations. Le RGPD et la loi informatique et libertés ne seront pas opposables à ces types d’opérations ;
la pseudonymisation : C’est une opération réversible. C’est pourquoi concernant le traitement des données personnelles de santé, la réglementation européenne et la législation française se montrent naturellement contraignantes. Il existe des dérogations dans le cas des traitements des données à des fins de recherche scientifique. Dans ces cas, le consentement de la personne concernée n’est pas utile mais la personne concernée doit être informée [5].
d) Enjeux techniques
Les enjeux techniques concernent le processus d’extraction et de préparations des données. Ce processus nécessite une augmentation permanente de la capacité de stockage et la puissance de calcul des machines. Dans ce processus, nous pouvons retenir plusieurs étapes commençant par :
l’identifications des patients ;
la récupération et nettoyage des données recueillies auprès des patients ;
l’annotation ou la segmentation des éléments cliniques et paracliniques recueillis auprès des patients ;
l’anonymisation ou la pseudonymisation : une anonymisation irréversible ou pseudonymisation sont réalisées. Dans la plupart du temps, une table de correspondance comprenant les identités de départ et les identités modifiées est conservée par le responsable du traitement ;
l’extraction des caractéristiques concernent la visualisation, le traitement et l’analyse pour extraire les caractéristiques quantitatives et qualitatives.
e) Enjeux économiques
La technologie IA dans le domaine de la santé présente des enjeux économiques majeurs. Toutefois ces enjeux varient selon que l’on se trouve dans les pays développés ou dans les pays en développement. Dans les pays en développement les managers des hôpitaux et centres de recherche sont toujours dans des calculs de rentabilité et de retour sur investissement limitant les achats de technologies pour leurs structures. C’est ainsi que le séquenceur du Centre National de Recherche et de Formation sur le Paludisme (CNRFP) au Burkina Faso ne peut être renouvelé à cause du coût et sa rentabilité. Du fait de calculs similaires beaucoup de structures de santé dans les pays en développement hésitent encore à entrer à plein dans le numérique avancé.
f) Enjeux sociaux
Les enjeux sociaux de l’intelligence artificielle et ses applications sont innombrables. Si l’IA est à la fois un recours et un avenir pour la qualité des soins, elle suscite en même temps une certaine angoisse pour le corps médical par crainte que la technicité ne prenne le pas sur l’humanité. L’intelligence artificielle n’est pas sociale. Dans l’action médicale il y a toujours une composante sociale, une empathie, une écoute active, une sensibilité et la nécessité non seulement de replacer le patient dans son environnement mais aussi de le prendre en charge de façon holistique (dimension bio-psycho-sociale). C’est ce que l’IA ne fait pas. La finalité de la démarche médicale est de proposer au patient une sortie de la maladie, en aucun cas de faire un constat technique scientifique mais de construire le projet thérapeutique avec un diagnostic technique. L’IA reste un outil technique au service des professionnels de la santé : un « outil maîtrisé » [8]. Aussi, il y a la restructuration du marché du travail qui pourrait concerner le secteur Santé : disparition d’emplois, évolution et création de nouveaux emplois. De nouveaux emplois pourraient aussi être créés dans le monde de la Santé
B. Freins
a) Freins dans la prise en charge des patients
L’utilisation de l’IA nécessite une informatisation des systèmes. Or les patients veulent toujours se rassurer que leurs données ne soient pas divulguées. L’agent de santé qui respecte le secret médical ne divulguera pas d’informations. Par contre, les patients savent qu’il peut y avoir des soucis de sécurité surtout avec la commercialisation des données. La notion de sécurité des données constitue un véritable problème pouvant conduire à des erreurs thérapeutiques car :
pendant la consultation, le patient risque de ne pas donner toutes les informations concernant sa maladie ce qui va avoir un impact sur la suite de la consultation.
pendant le diagnostic : le diagnostic clinique dépendra des informations reçues pendant la consultation et les examens paracliniques demandés seront orientés par les informations reçues lors de la consultation.
pendant le traitement : le traitement qui sera prescrit dépendra non seulement du diagnostic clinique mais aussi des résultats des examens paracliniques. Il faut noter que le traitement définitif sera réadapté en fonction des résultats paracliniques.
b) La mauvaise qualité des données
Les données sont considérées comme le carburant de l’intelligence artificielle. Si les données sont de mauvaises qualités les analyses fourniront de mauvais résultats. C’est pourquoi il faut mettre du sérieux dans le processus de collecte, de stockage et surtout dans la protection des données dans le but d’éviter leur manipulation par tous.
c) L’accès des données
De nos jours, l'accès aux données est également un frein en soi, concernant surtout les grands entrepôts de données cliniques des pays en voies de développement qui se trouvent dans les pays développés comme le cas du Burkina Faso avec ENDOS. Nos données sont utilisées par ces pays permettant à des algorithmes d'affiner des biomarqueurs tandis qu’il nous ait difficile d’accéder à cette base. Il faut noter que le problème de sécurité est aussi un frein dans les différents entrepôts des données.
d) Freins sociaux
L’IA peut aussi se présenter comme une menace pour l’emploi. Elle peut être un vecteur d’aggravation des inégalités et de polarisation sociale car pouvant entrainer une quasi disparition de plusieurs activités concernant de nombreux secteurs tels que : l’industrie, la banque, la finance, le commerce, certains métiers peu qualifiés et d’autres hautement qualifiés (juristes, auditeurs, médecins). Devant de nombreuses incertitudes, de peurs et l’évolution de l’emploi surtout dans un contexte de ralentissement de la croissance économique et d’un chômage de masse persistant, certaines personnes pensent que l’intelligence artificielle fera plus de mal que de biens. Lors d’un sondage récent : 49 % des personnes interrogées pensent qu’il y aura nettement moins d’emplois disponibles dans une dizaine d’années[9].
En plus, nous pouvons noter la contrainte d’acceptabilité sociale concernant le niveau individuel et collectif. L’acceptabilité sociale commence d’abord par la relation médecin/malade. Il existe une relation importante voire de confiance entre un patient et le professionnel de santé tout au long de sa prise en charge. Cette relation sera interrompue avec l’installation de l’intelligence artificielle. C’est une limite à l’acceptabilité sociale mais en aucun cas un empêchement. Il faut noter que le nouveau contexte numérique a fait évoluer la perception de la relation médecin et malades, comme l’illustrent les publications du Conseil national de l’ordre des médecins sur les objets connectés et plus récemment sur médecins et patients dans le monde des data, des algorithmes et de l’intelligence artificielle. Les patients, désormais considérés comme des partenaires « engagés ou experts ». Des médecins, sont devenus des « néo patients ». Ces « patients de l’ère où le savoir est à portée de clic. En France, ils sont 70 % à consulter internet pour leur santé ou celle de leurs proches. Ces personnes veulent comprendre les décisions médicales et veulent participer à leur prise en charge.
Certains logiciels avec l’intelligence artificielle pourront répondre aux aspirations des patients et citoyens à l’autonomisation de la santé.
L’acceptabilité sociale se manifeste aussi avec l’utilisation des différentes applications et les outils à propos des professionnels de santé eux-mêmes. Cette confiance des professionnels de santé permettra le développement de l’IA et de la robotisation en santé. Cette confiance sera renforcée par la preuve de l’efficacité de l’intelligence artificielle. L’acceptabilité sociale dépendra aussi de la capacité des industriels à comprendre et à répondre à ces demandes[9].
Dans le domaine de la prévention, les analyses menées sur les données multidimensionnelles récoltées à long terme sur de larges cohortes de population permettront certes d'identifier des facteurs de risque pour certaines maladies comme le cancer, le diabète ou les maladies neurodégénératives mais aboutiront plus tard à l’isolement de ces personnes atteintes. Elles permettront aussi de caractériser plus rapidement les maladies rares, grâce à une analyse plus rapide et plus efficace des images (scanners, échographies) et de construire des systèmes performants d'aide au diagnostic. Ces systèmes performants permettront d’identifier les personnes portant des tares dans nos sociétés. Dans nos contrées, les mariages avec les personnes portant des tares ne sont pas encouragés.
e) Freins culturels
Il faut noter que de nombreux freins culturels subsistent et sont liés aussi au temps nécessaire d'adaptation à ces nouvelles technologies. Des freins d’ordre législatif existent car ces nouvelles technologies donnent de nouvelles possibilités qui nécessitent au préalable un débat politique, juridique et éthique.
CONCLUSION
L’IA en santé est source d’apports très significatifs dans les différentes structures de la santé. Il faut soutenir les améliorations considérables que cela entraînera dans l’efficience et la qualité des prises en charge des patients. Il est aussi primordial d’en identifier les freins ainsi que les risques pour mieux les combattre afin que soient préservés les libertés individuelles, la non-discrimination et l’humanisme dans la relation de soins.
L’intelligence artificielle est perçue dans nos contrées comme une chose mystique difficilement compréhensible et difficilement manipulable.
L’intelligence artificielle permet de faciliter l’accès aux données de santé pour la recherche tout en garantissant le cadre juridique et éthique.
Le traitement de données personnelles de santé doit toujours se faire dans le plus grand respect de l’éthique et des règles contraignantes.
Une approche éthique, transparente et responsable du développement de l'IA permettra à l'IA de traduire les données en connaissances, conclusions et actions pertinentes sur le plan contextuel.
BIBLIOGRAPHIE
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2. Lau AYS, Staccini P, Section Editors for the IMIA Yearbook Section on Education and Consumer Health Informatics. Artificial Intelligence in Health: New Opportunities, Challenges, and Practical Implications. Yearb Med Inform. août 2019;28(1):174‑8.
3. PricewaterhouseCoopers. L’Intelligence Artificielle au service de la santé [Internet]. PwC. [cité 5 févr 2021]. Disponible sur: https://www.pwc.fr/fr/decryptages/transformation/intelligence-artificielle-au-service-sante.html
4. Marco i F. L’INTELLIGENCE ARTIFICIELLE. p. 4.
5. 7 - ExploitationDonneģes_IDF.pdf [Internet]. [cité 11 janv 2021]. Disponible sur: https://cerf.radiologie.fr/sites/cerf.radiologie.fr/files/Enseignement/DES/Modules-Base/7%20-%20ExploitationDonne%C4%A3es_IDF.pdf
6. A. R YAMEOGO. Enjeux de l’intelligence articielle, cours master 2 IMDS, IFRISSE, année 2020-2021.
7. Gruson D. Le temps est compté. Soins. sept 2019;64(838):29‑57.
8. Menu C. Enjeux, défis et apports de l’intelligence artificielle dans la médecine contemporaine [Internet]. M-Soigner. [cité 5 févr 2021]. Disponible sur: https://www.m-soigner.com/pratiques/sant%C3%A9-num%C3%A9rique/747-enjeux-defis-et-apports-de-l-intelligence-artificielle-dans-la-medecine-contemproraine.html
9. Intelligence artificielle et travail. 2018;80.